Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 1, 1902.djvu/118

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Chateaubriand relevait du geste, pour la dicter, le rasoir de M. Pâques. Quoi d’étonnant que des séances si mouvementées durassent deux heures et plus ? Mme de Chateaubriand y assistait le plus souvent avec une petite perruche qu’elle aimait fort, mais qui ne pouvait souffrir M. Pâques. Un jour que la vicomtesse avait le dos tourné, celui-ci lui barbouilla le bec de sa savonnette. La rancune de la perruche n’en fut que plus vive ; elle se pendait à son habit : « Cela faisait sourire M. le vicomte. »

Pâques congédié, le travail continuait, se prolongeait quelquefois jusqu’à deux heures de l’après-midi. En général, pourtant, l’après-midi tout entière était pour la promenade et les visites. Chateaubriand était fort ordonné là comme partout. Dans les premiers temps encore de son installation rue du Bac, on le voyait, sur le coup de trois heures, avec une ponctualité qui en faisait l’horloge de ses voisins, sortir de sa maison, « passer leste, pimpant, recherché dans sa mise, une badine à la main, heureux de ne parler à personne et de faire tous les jours, invariablement, la même chose »[1].

Cette même chose, c’était d’aller reconnaître, sur le boulevard du Montparnasse, la cime d’un cyprès planté par Mme de Baumont, qui lui avait été longtemps chère et qu’il n’oublia jamais, puis d’obliquer par la rue de Sèvres jusqu’à l’appartement de sa grande amie Mme Récamier. Quand, d’aventure, Mme Récamier était absente, il « traînait » les heures

  1. Cf. Charles Lenormant.