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le pouvoir s’est retiré d’eux et qu’il n’y a point apparence qu’il leur revienne jamais.

À ces raisons extérieures de mécontentement s’en ajoutaient d’autres, d’ordre privé. Chateaubriand avait eu toutes les occasions du monde de faire fortune, et il n’en est point une, en effet, dont il n’ait profité sur le moment pour la tourner ensuite contre lui. Boutade ou non, il y a un grand fonds de vérité dans sa réponse à Charles X :

— Combien, Chateaubriand, vous faudrait-il pour être riche ?

— Sire, vous y perdriez votre peine. Vous me donneriez quatre millions ce matin que je n’aurais pas un patard ce soir.

Sa part de cadet, fort médiocre, il est vrai, fondit la première, puis les six cent mille francs de dot que lui apportait Mlle de Lavigne et, après eux, le revenu de ses livres, de ses fonctions d’attaché d’ambassade sous Napoléon, de ministre d’État et d’ambassadeur sous la Restauration. Retombé à la pairie toute nue, après la publication de sa fameuse brochure : De la monarchie selon la charte, il a si bien fait danser les écus au temps de sa prospérité qu’il lui faut, pour vivre, vendre son carrosse et ses chevaux, reprendre à pied, chaque jour, le chemin de la Chambre haute. Cela ne suffisant point encore, il vend sa bibliothèque à la salle Sylvestre, rue des Bons-Enfants, ne gardant pour lui qu’un petit Homère de la collection Didot. L’imprimeur Ladvocat le tire un moment d’affaire en 1826. Une édition spéciale de ses œuvres, publiée par cet imprimeur, lui rapporte cinq cent mille francs.