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Dieu n’eût pas été Dieu, s’il eût souffert tranquillement cette flagrante usurpation de son génie. Voler les droits d’un père, c’est presque un parricide, et il a puni, comme un meurtre, cette insolence de création qui empiétait sur la sienne, qui semblait, en l’imitant, contredire sa puissance. Il a cloué son arrogant émule sur le front du Caucase ; il a fixé au foie de l’éternel moribond un vautour acharné qui ressuscite ce qu’il ronge. On n’a pas vu la victime, mais elle y est toujours, et l’on entend ses cris ; on les entend partout, par-delà même les barrières du monde. Les tourmens de celui-ci sont la leçon des autres. Le Titan vit toujours, et il vivra tant que son déplorable ouvrage subsistera sur la terre. Le supplice est sans doute atroce, mais il est égal à la faute. Père de l’homme, il l’est de ses passions et de ses vices. La famille de nos crimes est sa postérité. Auteur imprévoyant des misères terrestres, il en est aussi le symbole. Garrotté comme nous dans la vie, il se tord comme nous dans ses chaînes, sous l’ongle qui l’écorche, sous le bec qui le mord. Il palpite, il rugit, il se convulse comme nous dans les angoisses ; il résume dans ses tortures les tortures de l’humanité ; c’est juste. Qu’il pleure ou qu’il rugisse, ce n’est pas moi qui le plaindrai, ce n’est pas moi qui courrai les montagnes pour découvrir le patient, pour le détacher de sa mort, ou alléger son agonie. Et à quoi bon d’ailleurs cette audace de charité ? Il n’y a et il ne