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pille, qui fait litière de ruines, sans jamais s’y coucher, et ne marche qu’en se dévorant ?

Cette impalpable et noire aiguille, dont la course rapide et lente passe et repasse sur ce plateau, sur cet autel désert qui voit croître et périr tout ce qui l’environne, n’est-ce pas la faux même du Dieu dont le monde est vassal ? Une ombre, seulement pour nos yeux ; mais une ombre terrible qui, dans sa fuite taciturne, met tout de niveau sous le ciel, rayant de la nature ce qui la dépare ou l’embellit, moissonnant jusqu’au pieux et vert linceul dont la terre veut voiler ses pertes ou ses cicatrices.

Qui pourrait épuiser le cercle de pensées que le silencieux fantôme imprime sur ce marbre mort, dont il a déchiqueté les caractères, dont il a, pour ainsi dire, arraché la langue, sans lui retirer pourtant la parole ? Que de leçons vivantes, que personne lit plus, et qui, quoique effacées, restent toujours lisibles !

Et ce n’est pas uniquement sur ce morceau de pierre égrénée par l’âge, que le spectre du temps, ou celui de son glaive, écrit la trace de son vol ; il l’écrit sur le front des cités qui croulent ou qui s’élèvent, sur leurs faces de granit ou d’airain, sur le chêne qu’il ébranche, sur l’hysope qui se fane, sur l’homme qui tombe, en calculant ce qu’il dure.

La nature tout entière est un cadran solaire, où le