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Récapitulons maintenant les avantages de la greffe de Cadillac, 1o la soudure se fait pendant l’automne à l’époque où la sève est active sans être exubérante, 2o le greffon étant de bois jeune, par conséquent moins prompt à entrer en végétation, commence par se souder sagement au lieu de s’emporter sur une situation imparfaitement établie. 3o Enfin et surtout, la transformation s’opère sans faire traverser au porte-greffe la crise dangereuse et souvent mortelle de l’ablation de son système aérien.

La même période de 1881 à 1887 a vu naître en France le mildiou et ses terreurs, et j’ajouterais, la plus illogique des surprises, car, outre qu’il n’est pas bien prouvé que le mildiou n’ait pas déjà existé en France, il était parfaitement connu qu’il causait en Amérique de grands désastres. Cet optimisme qui laissait croire que l’on importerait la vigne américaine, accompagnée de tous ses avantages, mais séparée de tous ses inconvénients, était vraiment imprudent ; mais la punition aurait certes dépassé la faute si, grâce au professeur Millardet, le sulfate de cuivre, logiquement employé, n’était venu barrer le passage au fléau chez les vignerons assez sages ou déjà assez sévèrement punis pour se décider à l’employer à temps (c’est-à-dire non seulement avant qu’il n’y soit, mais avant qu’il ne puisse y être). Un vaste et illogique découragement suivit chez plusieurs cette déception, car cette manie de croire le fléau dangereux pour le voisin et pas pour soi serait une amusante forme de la naïveté qui accompagne la possession dans tous les ordres d’idées, si elle causait moins de mal. Mais les malheureux qui ne voulaient pas croire que le nouveau monde nous réserva encore cette flèche en son carquois, ont été encore plus douloureusement surpris par l’arrivée du black-rot dont l’entrée en scène était au contraire parfaitement prévue par tous ceux qui connaissaient la vigne américaine avant de se fier à ses caprices en même temps qu’à sa généreuse vitalité.

Nous avons vu plus haut que le mildiou, sinon vaincu, serait tenu en échec par le sulfate de cuivre. Le commencement des communications de M. Pierre Viala, le jeune professeur envoyé par le gouvernement pour chercher en Amérique, avec une sagacité déjà bien connue, un supplément de lumière sur le black-rot et le plant des terrains calcaires, de même que le rapport de M. Lambson Scribner, nous font croire que si le black-rot est incoercible une fois sur le fruit, il peut être entravé dans la phase follicole qui précède l’invasion de la grappe. Cette croyance repose sur un remède de bonne femme s’il en fut. Les ménagères américaines et les marchands de fruits protègent effectivement leurs raisins du black-rot en les enfermant dans des sacs en papier. Ce qui équivaut à dire que le