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difficultés d’adaptation. Après de grandes hésitations, je dirais même de grandes préventions, les vignerons persécutés par la compacité de certains sols et par la composition de certains autres, se sont décidés à regarder et à voir que la forme du racinage de la bouture à un œil lui permettait de vivre dans la couche arable au-dessus d’un sous-sol inhospitalier, sans lui défendre les incursions dans une profondeur fertile si elle se rencontrait et si la nature spéciale du cépage l’y portait. Il est assez bizarre que dix-huit années de bataille avec le terrain, dans l’Hérault principalement, n’aient pas fait penser plus tôt aux difficultés de sous-sol qui, en Champagne et ailleurs, avaient obligé les vignerons, pour trouver dans 10 centimètres autant de racines que dans 80 et plus, de recourir à un provignage perpétuel, créant un réseau radiculaire horizontal de racines s’étendant sur le sous-sol comme, verticalement, le lierre grimpe sur un mur. De reconnaître ce fait, de voir l’analogie de principe reliant la bouture à un œil au provignage, à son application dans les terres peu profondes, il n’y avait qu’un pas qui a été franchi aux deux congrès de 1887.

Sur le chapitre greffage, une vérité grandissante depuis sept ans était la greffe de Cadillac, système obéissant plus complètement aux lois de la physiologie que la greffe ordinaire en ce que sur celle-ci la transformation s’opère sans interruption dans la végétation. Le fait d’abattre la tête d’un végétal constitue, même dans cette inconsciente existence, un choc qui, en paralysant pour un temps la source même de la vie, risque de la supprimer définitivement. De plus, le greffon a besoin de rentrer le plus vite possible en activité, avant que l’inaction ne permette à ses surfaces de s’altérer par la dessiccation. Au lieu de se souder, comme on le dit des blessures, « par première intention », il se désorganise sur ses coupes, rendant impossible pour plus tard l’échange de sève qui, pour bien faire, devrait se produire immédiatement, étant le résultat cherché dans l’opération. Enfin, troisième inconvénient de la greffe à tête abattue, la sève que les racines continuent à produire, ne trouvant pas d’issue là où aboutissaient les vaisseaux qu’elle gorge, s’en crée, sous forme de rejetons très rapidement formés, vu leur voisinage immédiat avec les racines ; admettant que la greffe prenne, ces rudiments de bourgeons constituent une difficulté et exigent une surveillance incessante, pendant un temps dont on ne saurait prévoir la longueur. Résumons ici les triples difficultés de la greffe à tête abattue : 1o suspension de végétation, 2o dessèchement du greffon, 3o production abondante de rejetons qui, en vrais parasites qu’ils sont, poursuivront le greffon pendant toute son existence, vivant de la substance à laquelle il devrait seul avoir droit.