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seulement nécessaire, mais indispensable. Quand il le voyait apparaître :

— Ah ! voilà mon horloge qui sonne.

Courtois avait connu la marquise, il parlait d’elle avec son maître ; il s’était même imprégné du culte que professait M. de Cisay pour un si cher souvenir et la traitait en déesse. C’est lui qui avait la garde des bijoux. Le marquis n’avait jamais voulu les donner à sa belle-fille.

— Non ! non ! disait-il, je ne saurais m’en séparer.

Il ajoutait plus bas :

— Pour porter des perles, il faut être belle. Sur certaines peaux, il y a des bijoux qui font pitié !

Avec l’âge, Courtois était devenu un peu sourd. Mais sans en être gêné, puisqu’il ne faisait jamais rien de nouveau. D’ailleurs il entendait à merveille la voix du marquis, et M. de Cisay ne se rappelait pas lui avoir donné un ordre qu’il n’eût pas compris. Aussi quand le comte, agacé par cette méthode vivante, grommelait entre ses dents : c’est du tatillonnage ! — le marquis se fâchait tout rouge et tançait son fils comme un collégien.

— Mais, mon père, vous ne vous apercevez donc pas qu’il est sourd !

— Sourd vous-même ! Il n’y a si bonnes oreilles que celles qui entendent le nécessaire. Courtois me comprend, c’est tout ce qu’il me faut, et à lui aussi.

— On ne les corrigera ni l’un ni l’autre, pensait le comte.

Et il se taisait. Mais cela l’énervait toujours un peu d’assister à la toilette de son père, toilette minutieuse entre toutes, et surtout quand il avait quelque chose de sérieux à lui dire. Aussi, dès qu’il eut respiré le parfum de poudre et de savon qui remplissait la chambre, le comte regretta d’avoir choisi un pareil moment et fut sur le point de rebrousser chemin. Mais à quoi bon ? Il n’était pas aisé de trouver le marquis en humeur de parler d’affaires ; la chose était pressée, il valait mieux en finir.

Au surplus, en le voyant entrer, et sans lâcher son pinceau couvert de mousse, le marquis dévisagea son fils d’un seul coup d’œil. Quelque chose comme de la résignation lui passa dans la physionomie. Sans doute il se disait intérieurement :

— Je ne l’éviterai pas ! Il faut que je subisse le reflet des entretiens de mon fils avec ces affreux hommes d’affaires. N’est-ce pas une persécution, quand on s’est mis tranquillement à faire sa barbe, tranquillement seul avec Courtois, qui guette et prévoit les moindres désirs ?

Pourtant, au fin fond de son cœur, le marquis était inquiet et par-