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— Cinq cent… ?

Le notaire s’était encore soulevé sur son fauteuil, à bout de bras, et dardait sur le comte ses petits yeux dilatés. Cela ne dura qu’un instant. Il se laissa retomber. Mais le sang lui était monté à la tête et ses joues reluisaient comme deux pivoines.

— Oh ! oh ! dit-il, c’est gros…

Le comte ne répondit pas. Il battait la charge sur son bureau, du bout des doigts. Le notaire prit sa canne qu’il avait déposée près de lui, la passa entre ses jambes et appuya son menton sur le pommeau.

— C’est un peu gros… Ce sont plusieurs pertes sans doute… Je ne trouverai pas cela sans une petite hypothèque, monsieur le comte.

M. de Cisay fit un geste évasif et mécontent.

— Il faudra une hypothèque, bien sûr, reprit le notaire.

— C’est fâcheux. Vous devriez éviter cela, Durandal.

— Je ne demanderais pas mieux, monsieur le comte ; je veux bien essayer. Je vais parler à Mathurin Gaignard, l’adjoint ; et puis je dirai un mot à votre voisine, Mme d’Oyrelles. Je sais qu’elle a quelques capitaux disponibles…

M. de Cisay l’interrompit :

Mme d’Oyrelles… Non. J’aimerais mieux qu’elle ne le sût pas.

Me Durandal se mit à sourire.

— Monsieur le comte, c’est difficile d’emprunter sans que personne le sache…

— Eh ! que diable ! je me connais en affaires, mon cher Durandal. Mais vous êtes d’un timoré ! la moindre bagatelle vous suffoque. Vous savez que je n’aime pas les histoires de clocher.

Le notaire, appuyé sur sa canne, se releva lentement de son fauteuil. Puis il s’affermit sur ses jambes, prit son chapeau, le lustra avec sa manche et, tenant sa redingote par les revers, la remit en place avec un mouvement répété du cou et des épaules. Pendant ces diverses opérations, il lançait de fréquents coups d’œil sur le comte, qui se calmait.

— Je vais essayer… je vais essayer… mais c’est un peu…

— Gros ?… oui. Vous me l’avez dit.

Le comte se leva à son tour :

— À bientôt, Durandal.

— À bientôt, monsieur le comte. Sitôt que j’aurai trouvé, j’accourrai vous en prévenir.

— C’est entendu. Merci d’avance.

Quand le notaire fut sorti, M. de Cisay se mit à arpenter son cabinet à grands pas. Il était agité, se rendant compte que Me Durandal avait raison et que le prêteur ou les prêteurs allaient exiger