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être traversées que sur des ponts. Leurs vallées, comme celle de l’Escaut, sont d’ailleurs peu profondes et ne creusent dans la grande plaine de Flandre que des dépressions insignifiantes : partout le pays est ouvert, uniforme, les reliefs arrondis, les pentes adoucies ; la vue s’étend au loin ; nul terrain n’est plus propre aux évolutions des armées, mais nul aussi ne se prête moins aux surprises et aux mouvements dissimulés. Vers Landrecies seulement, le terrain se relève, les reliefs s’accentuent un peu, et une grande forêt, la forêt de Mormal, couvre la place en venant du Quesnoy.

Eugène employa le mois de mai à faire tous ces préparatifs.

Villars, de son côté, ne restait pas inactif ; avec sa vivacité ordi¬ naire, il visitait tous les postes, étudiait les positions, tenait tout le monde en éveil ; son activité épistolaire n’était pas moins grande et elle n’était pas sans inconvénients : chaque jour, il écrivait au roi, à Voysin, des dépêches interminables où toutes les éventua¬ lités, tous les plans, tous les systèmes étaient prévus, analysés, discutés, avec la minutie d’une discussion géométrique. Dans son désir de ne rien laisser au hasard, de pousser la prévoyance et l’attention à ses dernières limites, il dépassait la mesure, manquant de méthode dans l’exposition, entremêlant ses descriptions tech¬ niques de boutades et de saillies, il soumettait à de fatigantes épreuves l’attention et la patience de ses correspondants : la vue claire des choses se perdait un peu dans ce dédale d’arguments contradictoires, et la faculté d’action s’émoussait au contact pro¬ longé des objections accumulées. Voysin, qui avait la direction plus nette et la plume plus vive que Chamillard, laissait quelquefois percer son impatience. Un jour que Villars, prenant trop à la lettre les instructions prudentes du roi, proposait de prendre sur la Sensée, et autour d’Arras, une position défensive, Voysin lui écrivit le 17 mai 1, non sans malice, que dans cette situation excentrique, « la sûreté serait plus grande d’éviter tout combat, n’étant pas pos¬ sible aux ennemis de venir l’y chercher », et il ajoutait : « Quoique la conjoncture présente ne demande pas qu’on cherche à engager de grandes actions, il ne faut pas néanmoins les éviter au point d’en donner des marques publiques et de laisser faire aux ennemis tout ce qu’ils voudraient… s’ils vous fournissent une belle occasion de prendre vos avantages sur eux, vous savez que le roi vous a laissé toute liberté d’en profiter. »

J’ai cherché ces occasions-là dans l’empire, écrivait Villars de son côté 3, quand j’y ai été ; très aise quand je les ai trouvées, très fâché

À Pelet, Mémoires militaires, etc., XI, p. 447.

a lbid. f p. 445.