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DE LA VIE DE MAHOMET.

reçue de ses mains, il la tire du fourreau, et va pour l’en frapper. Mahomet le regarde fixement sans s’émouvoir. Étonné de ce sang-froid, l’assassin suspend son coup ; puis, comme s’il n’avait eu dessein que de jouer : « N’avez-vous pas eu peur ? » lui demanda-t-il. Et qu’avais-je à craindre de toi ? lui répondit Mahomet. L’ennemi, confus, lui remit l’épée, et s’en retourna sans avoir rien exécuté[1].

A peine l’expédition était finie, que, songeant à remplir la promesse faite à Beder, il alla y camper au mois de Chaban[2]. Son armée était composée de quinze cents hommes aguerris. Ali portait devant lui l’étendard de la religion. Il attendit Abusofian pendant huit jours. Le général des Coreïshites était sorti de la Mecque ; mais, ne voulant pas risquer un second combat, il n’osa s’avancer jusqu’à Beder. Fatigué de l’attendre, Mahomet ramena ses troupes à Médine. Ali y célébra la naissance d’un second fils nommé Hoçaïn.

Les Nadhirites, chassés de leur citadelle, s’étaient retirés à Khaibar, ville forte des Juifs. Ils avaient sonné l’alarme parmi leurs confédérés. Ils avaient représenté la ruine prochaine de la nation, si elle ne réunissait ses forces contre l’ennemi commun. Plusieurs des fugitifs avaient porté à la Mecque les déplorables restes de leur ancienne puissance. Animés par le souvenir récent de leur désastre, ils peignaient Mahomet comme un tyran qui se servait du voile respecté de la religion pour accomplir ses desseins ambitieux. Ils faisaient voir les tribus arabes des


  1. Les auteurs arabes crient au miracle. Ils disent que Dieu renversa par terre l’ennemi de leur apôtre. Qu’est-il besoin de faire intervenir le ciel ? Le sang-froid de Mahomet, la mort levée sur la tête de l’assassin s’il manquait son coup, mille considérations ne purent-elles pas l’arrêter ? Mais les enthousiastes n’écoutent point la raison. Tout est prodige pour eux.
  2. Abul-Feda, p. 73.
e
Ire. part.