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DE LA VIE DE MAHOMET.

« O Soraka ! quel sera un jour ton maintien, quelles seront tes pensées, lorsque tes bras seront décorés des bracelets de Cosroës Parviz ? » Échappé au péril, Mahomet continua sa route, et arriva à Coba, bourg situé près de Médine, un lundi, le douze du mois Rabié premier[1]. Coultoum, fils de Hadam, le logea dans sa maison. Il y demeura trois jours, et avant de sortir de Coba, il jeta les fondemens d’une mosquée qui fut nommée Eltacona, la piété[2]. Le vendredi, il fit son entrée à Médine. Le peuple vint en foule au-devant de lui. L’apôtre des musulmans s’avançait sous un dais de feuillage, porté par ses disciples. Chacun se disputait l’honneur de le loger. Les auxiliaires, surtout, le pressaient d’accepter un appartement dans leurs maisons. Quelques-uns prenant la bride de son chameau, l’entraînaient vers leur demeure. Laissez-le aller, leur disait-il, c’est un animal fantasque. Enfin, le chameau s’arrêta devant l’étable des fils d’Amrou[3]. L’apôtre descendit, et fendant la foule, alla loger chez Abou Aïoub auxiliaire.

Son premier soin fut de consacrer par la religion le lieu où il avait mis pied à terre en entrant à Médine. Il fit venir Moadh, tuteur de Sahal et Sohaïl, à qui ce terrain appartenait, et leur en fit proposer le prix. Les deux orphelins étant riches, voulurent lui en faire don[4]. Il refusa leur offre, et Abubecr paya la somme dont on était convenu[5].
  1. Abul-Feda, page 52.
  2. Jannab.
  3. Abul-Feda, page 53.
  4. Jannab, page 74. Elbokar.
  5. Le docteur Prideaux, emporté par son zèle, dit que ce terrain appartenait à deux orphelins, que Mahomet le leur enleva par violence, et les en chassa avec inhumanité. Vie de Mahomet, page 116.

    Le docteur Prideaux n’a cité aucun auteur pour appuyer un fait qui avait si grand besoin d’autorités. Abul-Feda, Jannab, Elbokar, disent positivement le contraire. Ils assurent que Mahomet refusa le don qu’on voulut lui faire de ce terrain. Ahmed ben Joseph ajoute qu’Abubecr en paya le prix. Mahomet était trop politique pour commettre une injustice criante en entrant à Médine. Les ambitieux ne sont point injustes quand ils ont tant d’intérêt de paraître équitables.