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ABRÉGÉ

la prudence ; et continuer, malgré leurs clameurs, à faire des prosélytes. Nous l’avons vu soumettre à l’islamisme les princes des tribus, gagner par ses émissaires l’esprit du roi d’Abyssinie, et se préparer par son adresse un asile à Médine. Jusqu’ici il n’a paru que derrière un voile. Proscrit à la Mecque, chassé de Taïef, environné d’ennemis puissans, il était forcé de couvrir sa marche de ténèbres. Bientôt il se montrera sur un plus grand théâtre. Aussi longtemps qu’il se crut trop faible pour paraître au grand jour, il n’imposa point à ses sectateurs la loi de prendre les armes. À peine put-il compter sur des succès, qu’il fit descendre du ciel l’ordre de combattre les idolâtres, et l’obligation de le défendre jusqu’à la mort. C’était à travers mille écueils qu’il était parvenu au point de pouvoir tourner contre ses ennemis leur haine et leurs complots. Il profita de la circonstance. En rentrant à la Mecque il risquait sa tête ; mais s’il échappait au fer de ses ennemis, il était sûr d’être reçu en triomphe à Médine, et devenait maître de la vengeance. Il ne balança pas à prendre ce parti dangereux. Ce qu’il avait prévu arriva. Les Coréishites savaient ses liaisons avec les habitans de Médine. La fuite de ses disciples et de ses proches, les avait instruits sur ses desseins. Reçu à Médine, il pouvait armer contr’eux deux tribus puissantes. Cette crainte leur fit prendre un parti violent. Ils résolurent d’étouffer l’ennemi de leurs dieux, et de leur puissance. On s’assembla. On tint conseil[1]. Tous d’une voix conclurent à la mort.[2] Afin de ne pas attirer sur eux seuls l’inimitié de la famille redoutable des Hashemi-


  1. Abul-Feda, Vie de Mahomet, page 50.
  2. Des auteurs, amis du merveilleux, disent que le diable entra au conseil, sous la forme d’un vieillard, et combattit tous les avis qui ne tendaient pas à la mort ; ils ajoutent qu’Abugehel ayant prononcé la peine capitale, le vieillard applaudit, et que l’arrêt passa d’une voix unanime.