Page:Le Coran (Traduction de Savary, vol. 1), 1821.pdf/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
156
ABRÉGÉ

qui caractérisent particulièrement le législateur de l’Arabie. Mahomet fut un de ces hommes extraordinaires qui, nés avec des talens supérieurs, paraissent de loin à loin sur la scène du monde pour en changer la face, et pour enchaîner les mortels à leur char. Lorsque l’on considère le point d’où il est parti, le faîte de grandeur où il est parvenu, on est étonné de ce que peut le génie humain favorisé des circonstances. Né idolâtre, il s’élève à la connaissance d’un Dieu unique, et, déchirant le voile du paganisme, il songe à donner un culte à ses semblables. L’adversité qu’il éprouve en naissant, ne sert qu’à affermir une âme faite pour braver tous les revers. Instruit par ses voyages, il avait vu les Grecs divisés dans leur croyance, se charger d’anathèmes ; les Hébreux, l’horreur des nations, défendre avec opiniâtreté la loi de Moïse ; les diverses tribus arabes plongées dans les ténèbres de l’idolâtrie. Frappé de ce tableau, il se retire dans la solitude, et médite pendant quinze années un système de religion qui pût réunir, sous un même joug, le chrétien, le juif et l’idolâtre. Ce plan était vaste, mais impossible dans l’exécution. Il crut en assurer le succès en établissant un dogme simple qui, n’offrant à la raison rien qu’elle ne puisse concevoir, lui parut propre à tous les peuples de la terre : ce fut la croyance d’un Dieu unique, vengeur du crime et rémunérateur de la vertu. Mais comme il lui fallait, pour faire adopter sa doctrine, se dire autorisé du ciel, il ajouta l’obligation de le regarder comme le ministre du Dieu qu’il prêchait. Cette base posée, il prit de la morale du christianisme et du judaïsme, ce qui lui sembla le plus convenable aux peuples des climats chauds. Les Arabes ne furent point oubliés dans son plan. C’était principalement pour eux qu’il travaillait. Il leur rappela la mémoire toujours chère d’Abraham et d’Ismaël, et leur fit envisager l’islamisme comme la religion de ces deux patriarches. Savant dans l’étude de sa langue, la plus riche, la plus harmonieuse de la terre, qui, par la composition de ses verbes, peut suivre la pensée