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ABRÉGÉ

lui rendre leurs derniers devoirs. Les principaux citoyens de Médine les suivirent. Le peuple se rendit par troupes autour de son cercueil, et pria avec beaucoup d’ordre et de décence. On voyait couler les larmes de tous les yeux ; mais on n’entendait ni plaintes ni gémissemens. La vénération qu’on avait pour ses dernières volontés, avait mis un frein à la douleur publique.

Lorsqu’il fallut mettre le corps en terre, il s’éleva de grandes contestations[1]. Les Mohagérïens voulaient qu’on le transportât à la Mecque, et qu’on l’inhumât dans sa patrie[2] ; les Ansariens soutenaient qu’il devait rester à Médine, puisque cette ville lui avait offert un asile contre la persécution. Un troisième parti était d’avis qu’on le portât à Jérusalem, lieu de la sépulture des prophètes. Abubecr termina ces différens, en rapportant ces mots recueillis de la bouche de Mahomet : Un prophète doit être enterré au lieu où il est mort. Ces paroles firent loi. On creusa la terre à l’endroit où il avait terminé sa carrière, et l’on y descendit son cercueil[3]. Ali, Elfadl et Cottam entrèrent dans le tombeau, et mouillèrent pour la dernière fois de leurs larmes les restes mortels de leur apôtre. On couvrit le corps de terre, et le peuple se retira.


  1. Ces débats ont donné occasion à des écrivains peu scrupuleux dans la recherche de la vérité, de dire que Mahomet avait son tombeau à la Mecque. Quant à l’opinion vulgaire qui place son corps dans un cercueil de fer suspendu en l’air par des pierres d’aimant attachées à la voûte du temple, elle doit le jour à quelques géographes qui n’ont jamais voyagé que dans leur cabinet. L’un et l’autre sentiment sont démentis par les auteurs qui ont été sur les lieux. Voyez Jannab, Abul-Feda, Abul-Faraj.

    Les Turcs que j’ai vus en Égypte m’ont tous confirmé la description que je viens de donner sur le témoignage de ces écrivains. Lorsque je leur racontais les fables que nous débitons au sujet de leur prophète, ils ne pouvaient s’empêcher de rire de notre crédulité.

  2. Abul-Feda.
  3. Abul-Feda, page 141.