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ABRÉGÉ


Aussitôt que la nouvelle de sa mort se fut répandue dans la ville, un cri universel s’éleva : Le prophète n’est plus[1] ! La consternation devint générale. Les hommes, frappés d’un étonnement stupide, semblaient être en délire. Les uns levaient au ciel des yeux égarés ; les autres, semblables à des convulsionnaires, poussaient des hurlemens ; ceux-ci, couvant une douleur profonde, gardaient un morne silence ; ceux-là, agités de vertige, se roulaient à terre. La populace, ne pouvant se persuader qu’elle eût perdu pour jamais son apôtre, se rendit en foule à la porte de sa maison. Les plus fanatiques s’écrièrent : Il n’est pas mort. Il est ravi en extase. Omar, emporté par son zèle bouillant, accrédita cette opinion. « Non, dit-il, le prophète n’est pas mort : il est allé vers le Seigneur, comme le fit Moïse, qui s’absenta du peuple pendant quarante jours. » Il menaça de tuer quiconque oserait soutenir le contraire. Cette assertion, favorable aux préjugés de la multitude, augmenta le désordre. Abubecr eut besoin de toute son autorité pour l’apaiser. S’étant avancé au milieu du peuple assemblé, il parla ainsi : « O vous qui proférez des sermens si peu raisonnables, daignez m’entendre de sang-froid. » À ce début, Omar s’assit[2]. Abubecr, après avoir prononcé la formule de prière accoutumée, continua : « O Musulmans ! si votre vénération profonde pour Mahomet vous l’a fait croire immortel, vous êtes dans l’erreur. Il est mort. Dieu seul vit toujours. Lui seul a droit à vos adorations. L’Éternel a prononcé, en parlant au prophète, l’arrêt qui doit lever vos doutes : Tu mourras, et ils mourront[3]. Il ajoute dans un autre verset : Mahomet n’est que l’envoyé de Dieu. D’autres apôtres l’ont précédé ; s’il mourait ou s’il


  1. Elsohaïl.
  2. Elbokar.
  3. Le Coran, chap. 39, tome 2.