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DE LA VIE DE MAHOMET.

épouvantés. « Où courez-vous ? leur cria Elabbas. — Est-ce Elabbas ? dit Abusofian. — C’est moi-même. — Qu’aperçois-je derrière vous ? — Mahomet qui vient vous visiter à la tête de dix mille hommes. — Que me conseillez-vous de faire ? — De venir sur-le-champ lui demander sûreté, autrement c’est fait de vous. » Le conseil fut suivi. Omar, qui veillait à la garde du camp, ayant reconnu le chef des idolâtres, s’écria : Dieu soit loué ; voici Abusofian entre nos mains sans pacte ni alliance[1]. Il courut vite demander sa tête à Mahomet. Elabbas intercéda pour son prisonnier, et le prophète lui donnant sa parole pour sauve garde, dit à son oncle : Emmenez-le à votre quartier ; vous me le présenterez demain matin. Au point du jour il était dans sa tente. « Hé bien ! lui dit le général des croyans, n’est-il pas temps de reconnaître qu’il n’y a qu’un Dieu ? — Je n’en doute nullement. — N’est-il pas temps aussi de reconnaître que je suis son apôtre ? — Pardonnez à ma sincérité, jusqu’à présent j’ai pensé différemment. » « Malheur à vous ! lui dit Elabbas. Rendez hommage à la vérité, ou votre tête... » La fierté d’Abusofian céda. Il embrassa la religion du plus fort, et prononça la double profession de foi. Hakim et Bodaïl imitèrent son exemple. Mahomet ayant tiré Elabbas à l’écart, lui dit : « Conduisez Abusonfian à l’entrée de la vallée, afin qu’il voie défiler mes troupes. » « Volontiers ; mais il est ambitieux ; il aime la gloire. Accordez-lui quelque titre qui puisse flatter son amour-propre, et le distinguer aux yeux de ses compatriotes[2]. » L’avis fut approuvé, et l’on proclama cet ordre : « Quiconque entrera dans la maison d’Abusofian, qu’il soit sauvé. Quiconque se réfugiera dans le temple, qu’il soit sauvé. Quiconque fermera sa porte, qu’il soit


  1. Abul-Feda, page 104 et 105.
  2. Idem, page 105.