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Mais dès que j’eus parlé le bruit cessa.

Le lendemain, j’allai à la rivière laver des draps. Pour se rendre de chez nous au Guindy[1], il n’y a pas de route, mais un étroit sentier, qui longe sur presque tout le trajet des talus plantés d’aulnes. Je m’étais à peine engagée dans le sentier que j’entendis un pas derrière moi, et aussi une respiration haletante, ainsi qu’un bruissement dans les branches d’aulne qui surplombaient. Chose étrange : je reconnus distinctement le pas de mon mari, le pas qu’il avait du temps qu’il était bien portant, quand il rentrait de sa journée dans une des fermes d’alentour.

Je me retournai.

Personne ! ! !

Je passai la matinée au lavoir. Au retour, je n’entendis plus rien, mais le faix de linge que je portais se mit à peser sur mes épaules d’un tel poids qu’on aurait juré que la toile s’était changée en plomb. J’ai compris depuis ce que cela signifiait. Parmi ces draps se trouvait celui qui devait servir trois jours après à ensevelir mon pauvre cher homme.

Car, trois jours après, Lucas mourut. Dieu ait son âme ! Ces trois jours durant, les signes se succédèrent de façon presque ininterrompue.

Une nuit, c’était la porte qui battait avec violence, une rumeur de foule pénétrant dans la maison, des pas nombreux montant l’escalier et le redescendant. La nuit suivante, c’étaient des sonneries lointaines de

  1. Le Guindy traverse le territoire de Pluzunet. C’est lui qui conflue à Tréguier avec le Jaudy.