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jusqu’aux premières fraîcheurs du soir, conversant avec Dieu, et feuilletant sa conscience, comme un livre, pour voir si tous les comptes y étaient en ordre.

Son filleul s’accroupissait par terre, à ses pieds, partagé entre deux désirs contraires, celui de conserver son parrain en ce monde et celui de le voir jouir des félicités que promet l’autre à ses élus.

Une après-midi, comme ils étaient ainsi tous deux assis sous le châtaignier, Dom Iann dit à Iannik :

— Que penses-tu de moi, mon enfant ?

— Je pense que vous êtes le plus saint homme qu’il y ait eu dans la chrétienté depuis les apôtres.

— J’ai cependant commis le plus grand péché qu’un homme puisse commettre, mon enfant.

— Ce n’est pas possible, mon parrain.

— Cela est, te dis-je. Le jour où je fus ordonné prêtre, je promis d’aller en pèlerinage à Rome. Or, voici que je touche à ma fin, et je n’aurai pas accompli mon vœu. Ce que je n’ai pas fait de mon vivant, je serai tenu de le faire après ma mort. Mon salut éternel sera retardé d’autant. C’est une chose qui attriste mes derniers jours.

— Ne pourrais-je adoucir votre tristesse, mon parrain ?

— Tu le pourrais, si tu as la foi solide.

— J’ai la foi que vous m’avez donnée. Elle est aussi solide que les calvaires de pierre qui sont à nos carrefours, et ceux-là il n’y a que le tonnerre de Dieu qui les puisse abattre.

— Tu irais donc à Rome, à ma place ?