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ser dans un sentier l’Ankou debout sur son char funèbre ; il est marqué pour la mort et il ne s’écoulera guère de jours avant qu’il ne tombe frappé de sa faulx. La vue seule de l’Ankou suffit à tuer ; il semble qu’il soit un de ces fascinateurs dont M. Tuchmann écrit depuis quelques années dans Mélusine la si curieuse histoire. Les fraudeurs ont fréquemment tiré parti de cette croyance ; ils transportent pendant la nuit leurs marchandises sur des charrettes dont ils graissent mal les roues. Lorsqu’ils traversent un village chacun se tient dans sa maison bien tranquille et bien coi, on a entendu le grincement sinistre et l’on craint de se rencontrer face à face avec le squelette drapé d’un linceul dont le regard donne la mort.

L’Ankou, cet ouvrier de mort, ce pourvoyeur de cimetière, est lui-même un mort ; c’est dans chaque paroisse le dernier mort de l’année qui vient de finir, qui hérite pour un an de la charrette et de la faulx de l’Ankou, Autant de paroisses, autant de dieux de la mort ; mais leurs fonctions sont si pareilles qu’on les distingue mal les uns des autres et qu’il semble qu’ils soient à la veille de se confondre dans l’imagination populaire en une divinité unique, la Mort, exécutrice des volontés de Dieu. C’est du reste sous cet aspect qu’apparaît