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ait ainsi un endroit solitaire où s’assemblent les morts à la veille de quitter les demeures des vivants. De même les âmes de ceux qui se sont noyés dans la baie de Douarnenez séjournent huit jours dans la grotte de Morgat avant de partir pour l’autre monde.

Il est des âmes qui restent plus longtemps encore en un état étrange qui n’est plus la vie et qui n’est pas encore la mort. Une légende recueillie à Bégard conte l’histoire d’une fille qui s’était noyée de dépit, mais qui, grâce à la protection de la sainte Vierge, continua à vivre durant six ans d’une sorte de vie mystérieuse, nourrie par le pain que sa mère donnait aux pauvres, vêtue des vêtements usés qu’elle leur distribuait. Son mari n’était point vraiment veuf, il ne le devint qu’au bout des ces six années. Or c’est une conception qui n’est pas rare que celle de la mort, d’abord incomplète, et qui va s’achevant par degrés ; c’est un dernier écho, semble-t-il, de cette très ancienne manière de penser qui résonne encore dans cette curieuse légende. Les habitants de l’archipel Salomon[1] n’imaginent pas que la mort envahisse tout d’un coup les âmes ; après qu’elles sont séparées du corps, elles ressemblent quelque temps encore à des

  1. Codrington, loc. cit., p. 298 seq.