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Personne ne répondit mot.

Seul, Kadô Vraz, s’étant levé, dit en s’adressant à Fulup Ann Dû :

— D’où vient que je parais être de trop ici ? Ne m’as-tu pas invité ? Ne suis-je pas ton garçon d’honneur ?

Et, comme Fulup gardait le silence, le nez dans son assiette :

— Je n’ai rien à faire avec ceux qui sont ici, continua le mort. Je ne veux pas gâter leur plaisir plus longtemps. Je m’en vais. Mais toi, Fulupik, j’ai le droit de te demander raison. Je te donne de nouveau rendez-vous à la Lande-Haute, pour cette nuit, à la douzième heure. Sois exact. Si tu manques, je ne te manquerai pas !

La seconde d’après, le squelette avait disparu.

Son départ soulagea l’assistance, mais la noce finit tout de même tristement. Les invités se retirèrent au plus vite. Fulup resta seul avec sa jeune femme. Il ne s’en réjouit nullement ; comme on dit, il avait des puces dans les bras.

— Gaïdik, prononça-t-il, tu as entendu l’ombre de Kadô Vraz. Que me conseilles-tu de faire ?

Elle pencha la tête et répondit, après réflexion :

— C’est un vilain moment à passer. Mais mieux savoir tout de suite à quoi s’en tenir. Va au rendez-vous, Fulup, et que Dieu te conduise !

Le marié embrassa longuement sa « femme neuve », et, comme l’heure était avancée, s’en alla, dans la claire nuit. Il faisait lune blanche. Fulupik Ann Dû marchait, le cœur navré, l’âme pleine d’un pressentiment sinistre. Il pensait : « C’est pour la dernière fois