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— Je le sais. Il est venu pour entendre la liste des morts de la prochaine année.

— Qu’il l’entende donc !

— Qu’il sache que le premier de la liste n’a plus à vivre que deux minutes !

— Qu’il sache que le premier de la liste a nom Iouennic Bolloc’h !

Les deux voix se croisaient à travers la nuit, rapides, sifflantes. Chacun des mots qu’elles proféraient entrait comme un fer froid dans les oreilles du pauvre mendiant. À peine son nom eut-il été prononcé qu’il rendit l’âme[1]. On trouva le lendemain son cadavre raidi. On crut qu’il avait eu le sang gelé par la grande fraîcheur de la nuit et on l’enterra à l’endroit même où il était trépassé[2].


(Conté par Jean Cloarec. — Laz, 1890, Finistère.)


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  1. Les bêtes aussi conversent entre elles dans le langage des hommes, durant la nuit de Noël. Un fermier voulut entendre ce que pourraient bien se dire ses bœufs et se cacha dans le grenier, au-dessus de l’étable.

    — Que ferons-nous demain ? demanda l’un des bœufs à son compagnon ?

    — Nous porterons notre maître en terre.

    Ce fut en effet le premier travail qu’ils firent. Le fermier épouvanté trépassa dans la nuit.

  2. Cf. G. Fouju, Coutumes, croyances et traditions de Noël, in Revue des traditions populaires, déc, 1891, t. VI, p. 726, — [L. M.].