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comme l’aubépine des haies, un vers qui porte l’indélébile empreinte du style prétentieux et gonflé des séminaires ; c’est, au contraire, sur les lèvres mêmes du peuple qu’on a cueilli ces légendes, sur les lèvres des femmes ; et ce sont des femmes, des paysans, des marins qui les ont créées sans savoir qu’ils les créaient ; ils ont cru naïvement conter ce qu’ils avaient vu. On retrouve dans ces récits tout frissonnants de l’angoisse des tombes, la large et simple allure de la gwerz, que chantent les mendiants au seuil des portes ; mais jamais presque on n’y rencontre ces grossièretés, ces brutalités de langage qui déparent maintes chansons bretonnes et font un si étrange contraste avec la silencieuse et discrète pureté des dialogues d’amour du clerc et de sa douce. C’est que les Bretons ont le respect attendri des morts ; ils éprouvent pour l’Anaon un sentiment pénétrant et fort, fait de terreur, de tendresse et de pitié, et ce n’est qu’en tremblant qu’ils parlent des âmes et de ceux qui ne sont plus.

Les légendes chrétiennes qu’a publiées M. Luzel sont marquées du même caractère, mais elles en sont moins profondément empreintes ; c’est que beaucoup de ces légendes sont des légendes d’édification, des fictions pieuses pour l’instruction