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pluchait des pommes de terre pour le repas du soir. Elle fut étonnée de la mine si pâle, si douloureuse de Kadô Vraz.

— Qu'astu ? lui demanda-t-elle. Tu es blanc comme un linge.

— C'est que vous me voyez à la brume de nuit, gentille marraine. Je suis venu m'informer de ce que Fulupik compte faire demain dimanche.

— En vérité, je ne saurais te le dire. Imagine-toi que Fulupik tient à cette heure un nouveau-né sur les fonts baptismaux !

— Bah !

— Oui. C'est encore cette fille Nanès qui est accouchée d'un enfant bâtard. On est allé frapper à trois portes pour trouver un parrain. En désespoir de cause^ on s'est adressé à Fulupik, qui a accepté. J'étais d'avis qu'il refusât comme les trois autres, mais c'est un entêté qui ne veut rien entendre. J'ai eu beau lui objecter qu'auprès des mauvaises langues il risquait de passer pour le përe de l'enfant, il s'est tout de même habillé et il est parti au bourg. Il jurait même en partant qu'il ferait sonner les cloches*.

La vieille n'avait pas fini de parler qu'une sonnerie joyeuse retentissait au loin.

1. En Bretagne, il n'y a généralement pas de sonnerie de cloches pour les baptêmes d'enfants illégitimes. Ces baptêmes sont dits « silencieux » {ar vadeziant zioul). Il est méritoire et c'est une bonne recommandation auprès de Dieu de tenir sur les fonts baptismaux un bâtard (Luzel, Revue de Bretagne^ de Vendée et d'Anjou, t. IV, 1890, p. 301).