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sant jaillir des flammes de ses quatre sabots, si bien qu'ils ne furent pas longs à atteindre le terme de leur voyage, c'est-à-dire TEnfer. Là, Marthe ne vit partout que diables : il y en avait de tout âge, de toute forme et de toute grandeur. Mais tous étaient pleins d'attentions pour leur nouvelle maîtresse. Et non-seulement elle n'avait à souffrir aucun tourment, mais encore il n'y avait pas de biens dont elle ne fût comblée. La maison qu'elle habitait donnait sur une belle prairie, semée de fleurs et arrosée par des ruisseaux, avec cette particularité que ces ruisseaux ne coulaient dans aucun sens et que les fleurs n'avaient aucune odeur, comme si c'eussent été des bouquets artificiels. Au bout de quelques mois, elle se trouva enceinte. Quand elle fut accouchée, son mari lui dit :

— Soignez cet enfant comme la prunelle de votre œil, car il sera prince et c'est lui que j'entends avoir comme successeur.

Elle ne répondit pas, mais se garda bien de donner même un regard au nouveau-né. Le diable, qui venait sans cesse savoir s'il prospérait, ne tarda pas à remarquer qu'elle le laissait à l'abandon.

— Changez donc ses langes, disait-il. Ne voyez-vous pas qu'il est dans son berceau comme dans un fumier ?

Elle, alors, de murmurer :

— Jésus et Marie, secourez-moi I

Son mari ne pouvait pas tirer d'elle autre chose. A la fin, il se fâcha.

— Si vous ne changez de conduite, je vous feraisou-venir à qui vous appartenez et en quel lieu vous êtes.