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fut inconsolable. Le jour, il vaquait aux travaux de la ferme, comme d'habitude ; mais, le soir, quand sa mère — qui était venue tenir sa maison — et tous les domestiques étaient couchés, il s'asseyait dans le coin de Tâtre et restait là, de longues heures, à se remémorer celle qu'il avait perdue et à déplorer le trisle sort qui était le sien, maintenant qu'il n'avait plus de femme. Seul avec lui-même il pouvait, du moins, se livrer à sa douleur. Quelquefois, à force de pleurer, il lui arrivait de s'endormir sur l'escabeau du foyer, les pieds dans la cendre.

Une nuit qu'il s'était ainsi laissé surprendre par le sommeil, il rêva que la porte de la cuisine s'ouvrait et que sa femme entrait, toute pâle, drapée dans un linceul souillé de boue. Il se frotta les yeux et s'aperçut soudain que ce qu'il s'imaginait être un rêve, n'en était pas un. Sa femme était devant lui, en réalité. Il la vit s'acheminer tranquillement vers l'armoire oîi, de son vivant, elle avait ses vêtements et son linge, tourner la clef dans la serrure, écarter les deux battants qui grincèrent avec bruit, et sortir du tiroir, dans lequel on l'avait religieusement pliée pour jamais, la splendide robe rouge qu'elle s'était fait faire comme parure de noces, ainsi que les autres atours qui complétaient son costume de jeune mariée. Elle disposa chaque pièce sur le petit banc, au pied de Tarmoire, puis se mit à les revêtir une à une.

Lui, la regardait faire, sans mot dire, et n'osant bouger.

Une fois habillée, elle alla se camper devant la glace, près de la fenêtre, pour mettre sa coiffe de dentelle.