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revenant. Là aussi, s'engage entre le prêtre et lui un terrible combat. On a vu des prêtres sortir de ces rencontres exténués, pâles, ruisselants de sueur. Tout le temps que dure le sinistre tête-à-tête, les gens de la maison se tiennent tapis au coin du foyer, muets d'épouvante. Ils se bouchent les oreilles pour tâcher de n'entendre point le vacarme effrayant qui se fait là-haut. Chacun se demande avec anxiété qui l'emportera, de l'âme méchante ou de l'homme de Dieu. Le prêtre, cependant, tantôt multiplie les oraisons spécifiques, tantôt lutte avec le revenant corps à corps : quelquefois il ruse avec lui, il lui pose des questions embarrassantes et profite du moment où il est occupé à chercher la réponse, pour lui passer l'étole au cou*. Dès lors, le revenant est vaincu. Il devient d'une docilité rampante. Le prêtre prononce sur lui la formule d'exorcisme et le fait entrer dans le corps d'un animal, le plus souvent d'un chien noir. Il le traîne hors de la maison, puis le remet à un homme de confiance, généralement le bedeau ou le sacristain, dont il se fait toujours accompagner en semblable occurrence. Tous deux se dirigent alors, le prêtre marchant devant, le bedeau suivant avec la bête, vers quelque endroit peu fréquenté, comme une lande stérile, une carrière abandonnée, une fondrière dans une prairie. « C'est ici désormais que tu demeureras », dit le prêtre au mort. Et il lui délimite l'espace dans lequel il se pourra mouvoir en se servant, d'ordinaire.

1. Dans le Léon ; les conjurés sont dits : an dud sloliet, mot à mot, les gens étolés, à qui l'on a passé Tétole.