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LES MORTS MALFAISANTS

Il importe surtout de le tutoyer. Si on s’oubliait à lui dire « vous », on serait perdu[1].

Si vous voulez que les revenants ne puissent rien contre vous, ne cheminez jamais de nuit sans avoir sur vous l’un quelconque de vos instruments de travail. Les instruments de travail sont sacrés[2]. Aucune espèce de maléfices ne peut prévaloir contre eux. Un tailleur, voyant un mort s’avancer sur lui, fit le signe de la croix avec son aiguille. Le mort disparut aussitôt, en criant :

    qu’on mourrait si l’on parlait à un fantôme ; il y a pourtant des exemples d’hommes qui ont survécu à cette conversation ; en tout cas, le fantôme ne reparaît plus désormais (W. A. Craigie, Some Highland folklore ; Folklore, t. IX, p. 374).

  1. Ce dernier renseignement m’a été communiqué-par François Le Roux, de Rosporden. Il m’a du reste été confirmé à diverses reprises. Or, on aura occasion de remarquer presque constamment, au cours de ce volume, que là où l’on fait converser un vivant avec un mort, le vivant dit « vous » au mort, et que c’est le mort qui tutoie le vivant. Cela infirme-t-il le précepte ? Nullement. Toute conteuse obéit, malgré elle, à un vague instinct de littérature. Le mort lui apparaît comme un personnage d’une espèce supérieure, comme un être sacré. Elle ne se résigne pas, dans le récit, à le faire tutoyer par son interlocuteur. Telle est, je crois, la véritable explication.
  2. Parmi ces outils, un des plus efficaces est le carsprenn, petite fourche en bois qui sert à débarrasser le soc de la charrue du fumier et de la terre qui s’y attachent (Sauvé, Mélusine, t III, col. 358).

    Dans une légende irlandaise transcrite par Curtin, Tales of the fairies, p. 128, on maîtrise un revenant en se servant des