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LES REVENANTS DANS LE ROMAN d'AVENTURE

ne parle pas des différences de forme ; j'entends celles qui atteignent le fond même du récit. Le peuple armoricain ne s'est pas contenté de transporter dans sa langue, avec la tournure d'esprit qui lui est particulière, le texte qui lui était fourni. Il a remanié ce récit de fond en comble ; à vrai dire, il l'a recréé. On nous saura peut-être gré de donner ici un rapide résumé du roman de France. On pourra ainsi se rendre compte de la façon dont Timagination bretonne ôrc^onmse, en quelque sorte, les matières où elle s'applique ; on pourra discerner quelles combinaisons nouvelles elle y apporte, et aussi quels éléments nouveaux e\\e fait entrer dans ces combinaisons. C'est par de semblables rapprochements qu'il sera possible, à la longue, de déterminer ce qui est essentiellement le propre d'une race, d'un milieu, d'un pays.

Le petit volume que j'ai sous les yeux, en écrivant ce résumé, contient, outre VHistoire de Jean de Caiai^, nombre d'autres romans d'amour et d'aventures, tels que VHistoire de Pierre de Provence et de la belle Maguelonne, celle de Richard sans Peur fils de Robert le Diable, le roman de Jean de Paris, le Jardin d'Amour, etc.. Il sort de l'imprimerie de J.-M, Corne, à Toulouse, et ne porte pas indication de date.

Un des principaux négociants de Calais avait un fils unique qu*îl fit élever en vue d'en faire un maître dans l'art de naviguer et pour qui il équipa un vaisseau destiné à « nettoyer la côte d'un nombre infini de corsaires ». Jean de Calais battit « ces voleurs de mer » en plusieurs rencontres et se concilia ainsi l'estime et la reconnaissance de tous ses concitoyens. On n'attendait que son retour pour lui décerner les plus grands honneurs, lorsqu'un orage le jeta dans des parages inconnus. Son flair le conduisit à une île qu'il fut surpris de trouver habitée. C'était le pays d'Orimanie, dont la capitale avait nom Palmanie (de là peut-être Varbre de palme, eur wéenn balmès, dont parle la légende bretonne). Dans cette île, Jean de Calais voit livrer un mort en pâture à des chiens, pour n'avoir pas de son vivant acquitté ses dettes. Il les paie lui-même et le fait ensevelir. Un soir qu'il se relire à son bord, ilaper-çoit sur le pont d'un vaisseau mouillé près du sien deux femmes qui fondaient en pleurs. II apprend que ce sont deux esclaves, appartenant à un capitaine corsaire, et qu'on doit les vendre le lendemain.



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