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XCIII Le miroir épave

J'ai entendu raconter ceci à mon grand-père paternel qui était pilole à Tîle, comme Tout été successivement tous les Piton.

Un navire espagnol, ou brésilien —je ne sais plus au juste — avait sombré dans la chaussée de Sein, et, de tous ceux qui étaient à bord, hommes d'équipage ou passagers, pas un n'en réchappa, malgré les efforts qui furent faits pour leur porter secours. Pendant les jours qui suivirent, la mer fut couverte de cadavres et de débris. On enterra chrétiennement les premiers, on recueillit et l'on se partagea les seconds, qui ne furent jamais réclamés par personne. Mon grand-père eut, comme les autres, son lot d'épaves. Dans le nombre se trouvait un miroir au verre très épais, avec une belle bordure de chêne, toute sculp* tée. La glace on était un peu ternie par endroits, à cause du séjour qu'il avait fait dans l'eau, mais il n'était pas autrement avarié, et, quand mon grand-père l'eût un peu astiqué à neuf et suspendu dans la grand'chambre de sa maison, il fut admiré par toutes les personnes qui le virent, car, en ce temps-là, les miroirs étaient une rareté dans notre pays.

La grand'chambre où on l'avait accroché était elle-même une pièce de luxe, réservée aux hôtes du. de-