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que, pour elle-même, ce serait une mauvaise chose de partir. Une voix lui conseillait en dedans : « Ne change point ta résolution : tu avais décidé de rester, reste ! »

L’autre cependant suppliait toujours. Alors, Marie-Job, qui était brusque dans ses manières, mais qui avait le cœur le plus sensible, finit par lui répondre :

— C’est bien, vous aurez votre tabac.

Et elle se dirigea incontinent vers la crèche pour faire la toilette de Mogis, comme à la veille de chaque voyage.

Le lendemain, à l'heure de la marée basse, elle quittait l'ile, dans son équipage coutumier, ses mitaines rousses aux mains et sa cape de grosse bure sur les épaules, criant : « hue ! » à Mogis dont la bise piquait les oreilles, comme si elle les eût criblées d’aiguilles. Ni la vieille femme, ni son vieux cheval ne se sentaient en train. Ils arrivèrent cependant à Lannion sans encombre. Dans l'auberge où Marie-Job faisait sa descente, et qui était à l’enseigne de l’Ancre d'Argent, sur le quai planté, l’hôtesse, quand elle la vit reparaître, après ses commissions terminées, lui dit :

— Jésus ! Maria ! Vous ne songez pas à repartir, au moins ! Savez-vous que vous serez changée en glace avant d’atteindre l'Ile-Grande ?...

Et elle insista pour la retenir à coucher. Mais la vieille fut inflexible.

— Comme je suis venue je m’en retournerai. Donnez-moi seulement une tasse de café bien chaud et un petit verre de gloria.