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une enfant si peu soignée venir si bellement. Les autres mères en glosaient sur le seuil des portes. Leur idée à la plupart était qu il y avait là-dessous quelque chose de pas naturel. Une d'elles, Pédron, la marchande de poires, voulut en avoir le cœur net. Un soir que le cordonnier et sa femme couraient ensemble la prétentaine, elle alla, sans avoir Tair de rien, se posler près de la fenêtre de leur maison et regarda dans Tintérieur.

Mais, aussi vite, elle se rejeta de côté, n'en croyant pas ses yeux.

La petite Rozik n'était pas dans son berceau, mais assise sur les genoux d'une femme qui la soignait, la câlinait, lui faisait des joies. Et, cette femme, Pédron l'avait reconnue du premier coup : c'était la mère défunte, c'était Louise-Yvonne Marquer, telle exactement qu'elle avait été de son vivant, sauf qu'elle riait avec douceur pour faire rire aussi la filletle *.

Effrayée d'abord, Pédron fut bientôt reprise par la curiosité. Elle se pencha de nouveau, et, cette fois, elle vit distinctement la morte dégrafer son corsage, en sortir un sein rebondi, tout gonflé de lait et donner à téter à l'enfant. Elle se retira sans bruit, pour aller chercher Pébel-goz, qui vit comme elle. Et d'autres encore vinrent et furent témoins de la chose. Il va sans dire que, le lendemain, il n'était bruit

1. Dans un conte irlandais, une femme morte en Amérique revient consoler son petit garçon qu'elle avait laissé en Irlande chez des parents et qui y est malheureux (Curlin, Taies of the fairiesy p. 146).