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le prêtre. Vous serez peut-être renseignée sur ce que vous désirez savoir.

A minuit, les âmes défuntes défilèrent silencieusement, comme la veille. La jeune fille, parTentre-bâil-lement du rideau, regardait. Sa mère ne vint encore que la dernière ; cette fois, elle était toute voûtée, car, au lieu d'un seau, elle avait à en porter deux ; elle pliait sous le faix, et son visage était presque noir de colère.

Pour le coup, la jeune fille ne put se retenir d'interpeller la morte.

— Mamm ! Mamm ! qu'avez-vous que vous paraissez si sombre ?

Elle n'avait pas fini que sa mère se précipitait sur elle, furieuse, et lui criait, secouant son tablier jusqu'à l'arracher :

— « Ce que j'ai ? malheureuse !.. Cesseras-tu bientôt âe me pleurer ? Ne vois-lu pas que tu me forces, à mon âge, à faire le métier d'une porteuse d'eau ? Ces deux seaux sont pleins de tes larmes, et si tu ne te consoles dès à présent, je les devrai traîner jusqu'au jour du Jugement. Souviens-toi qu'il ne faut point pleurer l'Anaon*. Si les âmes sont heureuses, on trouble leur béatitude ; si elles attendent d'être sau-

1. Cf. sur cette idée que notre chagrin augmente dans l'autre vie la peine de ceux que nous avons perdus, Luzel, Veillées bretonnes, p. 34 et suiv. ; Re'oue de tretagne, de Vendée et d'Anjou, t. IV, 1890, p. 300. Dans une légende irlandaise rapportée par Kennedy, Legendary fictions, p. 164, une dame connue pour ses charités apparaît après sa mort à sa servante «t se plaint