Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 2 1902.djvu/102

Cette page n’a pas encore été corrigée



feriez des crêpes, de bonnes crêpes de blé noir comme vous savez les faire, Radegonda.

La femme, qui tombait de fatigue, s'écria :

— Des crêpes, mon pauvre homme ! Vous n'y songez pas. D'abord, j'ai les bras coupés. J'ai besogné autant que vous, n'est-il pas vrai ? et, comme je n'ai pas votre force, je n'en puis plus. Où voulez-vous que je trouve le courage de me remettre à chauffer la poêle, à délayer la farine et à étendre la pâte ? Et puis, lors même que j'aurais ce courage, je serais encore bien empêchée de contenter voire envie, car il n'y a plus une pincée de farine dans la huche. Ne savez-vous pas que, depuis plus d'une semaine que nous vaquons à la récolte, vous n'êtes pas descendu chez le meunier ?

— Oh ! si ce n'est que la farine, je m'en charge.

— Quoi ?vous iriez jusqu'au moulin ?.,. Après avoir déjà tant sué, tant trimé ?... Votre ventre est donc un bien dur maître, Hervé Mingam ?

Hervé Mingam répondit, suppliant :

— Voyons, Radegonda !... Pour une fois ?.,. Alors, elle, attendrie :

— Je suis trop sotte de faire ainsi vos vingt-quatre volontés... Enfin, soit !... Allez et tâchez d'être vite de retour, si vous ne voulez pas que je m'endorme ici, dans l'intervalle, tout habillée.

Elle n'avait pas fini sa phrase que l'homme était dehors, dévalant à grandes enjambées vers le moulin. Tant qu'il vit clair dans sa route, il courut plus qu'il ne marcha, mais, à un endroit où le chemin semblait s'enfoncer en terre, entre deux hauts talus surplombants, force lui fut de ralentir. Bientôt même, il