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d'un des grands chênes qui sont à côté de toi sur le talus, mais cette ramille toute menue juste assez forte pour soutenir un roitelet.

François Quenquis secoua doucement la tête et répondit :

— Je n'ai pas eu le choix, Jean-René. Dieu marque à chacun le lieu et la durée de sa pénitence. Moi, mon lot est de rester ici jusqu'à ce que cette pousse soit devenue assez robuste pour fournir le bois d'un manche à quelque instrument de travail.

En parlant ainsi, le mort avait la mine si triste, que Jean-René Brélivet en eut le cœur tout remué.

— Oh! bien ! s'écria-t-il, tu vas donc être promptement délivré !... Justement, ma femme médisait, ces jours-ci, que son petit râteau à étendre la pâte sur la crêpière avait besoin d'un nouveau manche. C'est un instrument de travail aussi, je suppose, qu'un pareil outil.

Et, sans attendre la réponse du mort, il sauta sur le talus, monta dans l'orme et coupa la pousse au ras de l'arbre avec son couteau. En même temps qu'il la détachait, il entendit un « merci » joyeux. L'apparition s'était évanouie comme se dissipe au vent un flocon de fumée. Et c'était exactement l'heure où l'on mettait en terre le cercueil de François Quenquis.

Conté par Pierre Le Goff. — Argol.)