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Sur le passage de l'Ankr u

Un dimanche soir que je m'étais attardé au bourg, je trouvai, en rentrant au logis, ma femme et ma servante à demi-mortes de peur. Elles avaient des figures si bouleversées que je fus effrayé moi-même. Évidemment il avait dû, en mon absence, survenir quelque malheur. J'élevais à cette époque un magnifique poulain. Ma première pensée fut qu'il s'était cassé la jambe.

Voyant que les femmes restaient là, sans mol dire, comme hébétées, je m'écriai :

— Mais enfin, parlez donc ! Qu'est-ce qui est arrivé ? Ma femme finit par ouvrir la bouche :

— N'as-tu rien rencontré sur ta route?fit-elle d'une voix haletante.

— Non, rien! pourquoi?...

— Tu n'as pas vu déboucher une charrette par le chemin de la mort ?

— En vérité, non.

— Nous non plus, nous ne l'avons pas vue, mais, en revanche, je te promets que nous l'avons entendue ! C'était là-bas, dans la montée. Jésus Dieu, quel bruit ! Les chevaux soufflaient avec une telle force, qu'on eût dit le fracas d'un vent d'orage... Le grincement de l'essieu vous déchirait l'oreille... A un moment