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— ce fut la précision de leurs idées sur la vie future, leur penchant pour le suicide, les prêts et les contrats qu’ils signaient en vue de l’autre monde. Les peuples plus légers du Midi voyaient avec terreur dans cette assurance le fait d’une race mystérieuse, ayant le sens de l’avenir et le secret de la mort. » Aussi loin que nous remontions, en effet, dans l’histoire des Celtes, la préoccupation de l’au delà, comme nous disons aujourd’hui, semble avoir exercé sur leur imagination un prestige vraiment singulier. César nous montre les Gaulois se réclamant, sur la foi des druides, de la paternité du dieu de la Mort, et faisant profession d’en être tous descendus [1]. « C’est pour cette raison, ajoute-t-il, qu’ils mesurent la marche du

  1. « Galli se omnes ab Dite patre prognatos praedicant, idque a druidibus proditum dicunt. » De Bello Gallico, VI, 18. D’après une très ingénieuse étymologiede M. J. Loth, le vieux breton walatr (qui ne se trouve plus qu’en composition dans certains noms propres, comme saint Branwalatr, dont on a fait saint Brelade) serait identique au scandinave Valfaδir, épithète fréquemment appliquée au dieu Odin. De même que Valfaδir remonte à un vieux-germanique valu-fader, de même walatr remonterait à un vieux-celtique valu-(p)atir. Valu- désignant, selon l’opinion généralement admise, « la collectivité de ceux qui ont succombé sur le champ de bataille », Valfaδir signifie proprement « Père des guerriers morts ». Si donc l’hypothèse de M. Loth est exacte, il s’ensuivrait que Walatr a le même sens et que, chez les Bretons comme chez les Germains, il a existé un personnage mythologique, un dieu « père des guerriers morts », ce qui viendrait confirmer le témoignage de César (Cf. Revue celtique, t. XV, p. 224-227).