Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/218

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je venais de prendre à ferme le domaine de Kerlann en Penhars, voici de cela une trentaine d’années. Parmi les prairies dépendant du domaine, il s’en trouvait une qui n’était que marécages et fondrières. Une voie charretière la traversait. Je la fis condamner, pour empêcher mes bêtes d’aller s’embourber dans ce sol mouvant. Aux deux issues, je fis mettre des barrières fixes (marc’h-cleut).

Un matin, comme j’étais aux champs, quelle ne fut pas ma surprise en voyant un enterrement arrêté devant une de ces barrières.

Je courus de ce côté.

— Que voulez-vous ? demandai-je à l’homme qui conduisait la charrette funéraire.

— Passage, parbleu !… De quel droit as-tu bouché le chemin de la mort ?

— Malheureux, si tu engageais ta charrette dans ce pré, je suis certain que tu ne l’en tirerais plus.

— C’est par ici que nos morts sont toujours allés au cimetière ; c’est par ici qu’ils passeront encore, que tu sois content ou non !

Ce n’était pas le moment d’entamer une discussion. Je fis enlever la barrière, bien résolu à la remettre en place aussitôt après et à interdire désormais, au moyen d’un écriteau, le passage par cette dangereuse prairie.

    Cornwall, on ne mène point un corps au cimetière par une nouvelle route (M. A. Gourtney, Folklore Journal, t. V, p. 218).