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ce fut une seconde, puis une troisième, puis cinq, dix, vingt autres à la suite1. Cela faisait toc, toc, toc, par petits coups réguliers et lents. Je hélai ma mère.

— Quoi ? fit-elle. Qu'est-ce qu'il y a encore?

— Je crois qu'il pleut dans mon lit.

— Quelle idée!

Elle promena la main sur mes couvertures, prit la chandelle pour regarder au plancher et constata qu'il n'y avait pas la plus légère marque d'humidité nulle part. Le bruit lui-même avait cessé.

— Tu sais, me dit ma mère, si tu continues à faire ta softe et à rêver de choses qui ne sont pas, au lieu de dormir, j'en avertirai ton père, quand il va rentrer.

J'avais peur de mon père, qui était un homme de manières rudes, quoique foncièrement bon, et je promis d'être dorénavant bien sage. Ma mère cependant s'était à peine éloignée que les étranges toc... toc... toc... recommençaient. D'où cette eau pleuvaitelle ainsi, sans laisser de traces, je n'arrivais pas à m'en rendre compte, en dépit de tous mes efforts, si bien qu'à la longue, je n'y prêtai plus qu'une attention de plus en plus distraite et réussis même, je crois, à m'assoupir, car je n'entendis pas rentrer mon père.

Un fracas subit, comme d'un barrage qui crève, me réveilla en sursaut. Je me dressai sur mon séant,

1. Lorsqu'un marin meurt en mer, sa femme entend à la tête de son lit un bruit d'eau tombant goutte à goutte (Sauvé, MêluSî.ne, t II, col. 254. Cf. Mahé, Essai sur les antiquités du Morbihan, p. 115).

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