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CHAPITRE VI

Le fatalisme moderne et la dissociation des fatalités


On pressent les destinées d’une génération par l’étude des idées directrices qui orientent ses volontés et déterminent sa conduite. Mais où les rechercher, ces idées ? Ce n’est certes pas dans les actes des multitudes. Elles possèdent des appétits et non des pensées. Sera-ce chez les intellectuels qui font des livres et prononcent des discours ? Ils ne nous donnent le plus souvent que le reflet d’opinions adoptées pour séduire auditeurs ou lecteurs.

Malgré la difficulté de dégager nettement les idées d’une époque, on peut s’en faire une notion approximative par l’enseignement des maîtres les plus écoutés.

De récents discours académiques, ceux notamment de messieurs Lavisse et Pierre Loti, trahissent clairement les préoccupations actuelles des guides de la jeunesse.

Ils ne sont pas réconfortants, ces discours. Un pessimisme attristé les domine. Ce qu’on y lit surtout, c’est la conviction de l’inutilité de l’effort, une résignation passive devant les événements, la proclamation de l’impuissance de la science à éclaircir les mystères qui nous enveloppent. Un fatalisme sombre semble envahir, au déclin de leurs jours, l’âme de penseurs qui, à l’aurore de leur activité mentale, étaient tout rayonnants d’espérances.

Cette note fataliste constatée chez les professeurs et les académiciens, nous la retrouverions également chez les hommes politiques actuels. Dans une interview, un ancien président de la République, monsieur Loubet, s’exprime ainsi :

"La force inéluctable des choses l’emporte sur la volonté des hommes. Une logique mystérieuse nous conduit."

Nous verrons bientôt de quels éléments se composent cette force inéluctable et cette logique mystérieuse.

Parmi les académiciens dont je viens de parler, Pierre Loti s’est montré le plus attristé. Dans une langue harmonieuse, il réédite la vieille plainte de l’Ecclésiaste, tant de fois répétée au cours des âges.