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PSYCHOLOGIE DES FOULES
et l’éducation. — Erreur des idées actuelles sur l’influence de l’instruction chez les foules. — Indications statistiques. — Rôle démoralisateur de l’éducation latine. — Rôle que l’instruction pourrait exercer. — Exemples fournis par divers peuples.


Nous venons d’étudier la constitution mentale des foules. Nous connaissons leurs façons de sentir, de penser, de raisonner. Nous allons examiner maintenant comment naissent et s’établissent leurs opinions et leurs croyances.

Les facteurs qui déterminent ces opinions et ces croyances sont de deux ordres : les facteurs lointains et les facteurs immédiats.

Les facteurs lointains sont ceux qui rendent les foules capables d’adopter certaines convictions et absolument inaptes à se laisser pénétrer par d’autres. Ces facteurs préparent le terrain où l’on voit germer tout à coup certaines idées nouvelles, dont la force et les résultats étonnent, mais qui n’ont de spontané que l’apparence. L’explosion et la mise en œuvre de certaines idées chez les foules présentent quelquefois une soudaineté foudroyante. Ce n’est là qu’un effet superficiel, derrière lequel on doit chercher tout un long travail antérieur.

Les facteurs immédiats sont ceux qui, se superposant à ce long travail, sans lequel ils n’auraient pas d’effet, provoquent la persuasion active chez les foules, c’est-à-dire font prendre forme à l’idée et la déchaînent avec toutes ses conséquences. Par ces facteurs immédiats surgissent les résolutions qui soulèvent brusquement les collectivités ; par eux éclate une émeute ou se décide une grève ; par eux des majorités énormes