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Le spécialiste est alors un meneur momentané. L’assemblée n’agit pas sur lui et il agit sur elle.

Malgré toutes les difficultés de leur fonctionnement, les assemblées parlementaires représentent ce que les peuples ont encore trouvé de meilleur pour se gouverner et surtout pour se soustraire le plus possible au joug des tyrannies personnelles. Elles sont certainement l’idéal d’un gouvernement, au moins pour les philosophes, les penseurs, les écrivains, les artistes et les savants, en un mot pour tout ce qui constitue le sommet d’une civilisation.

En fait, d’ailleurs, elles ne présentent que deux dangers sérieux, l’un est un gaspillage forcé des finances, l’autre une restriction progressive des libertés individuelles.

Le premier de ces dangers est la conséquence forcée des exigences et de l’imprévoyance des foules électorales. Qu’un membre d’une assemblée propose une mesure donnant une satisfaction apparente à des idées démocratiques, telle qu’assurer, par exemple, des retraites à tous les ouvriers, augmenter le traitement des cantonniers, des instituteurs, etc., les autres députés, suggestionnés par la crainte des électeurs, n’oseront pas avoir l’air de dédaigner les intérêts de ces derniers en repoussant la mesure proposée, bien que sachant qu’elle grèvera lourdement le budget et nécessitera la création de nouveaux impôts. Hésiter dans le vote leur est impossible. Les conséquences de l’accroissement des dépenses sont lointaines et sans résultats bien fâcheux pour eux, alors que les conséquences d’un vote négatif pourraient apparaître clairement le jour prochain où il faudra se représenter devant l’électeur.