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leur parler. Il doit surtout connaître la fascinante influence des mots, des formules et des images. Il doit posséder une éloquence spéciale, composée : d’affirmations énergiques, dégagées de preuves, et d’images impressionnantes encadrées de raisonnements fort sommaires. C’est un genre d’éloquence qu’on rencontre dans toutes les assemblées, y compris le parlement anglais, le plus pondéré pourtant de tous.

« Nous pouvons lire constamment, dit le philosophe anglais Maine, des débats à la Chambre des communes, où toute la discussion consiste à échanger des généralités assez faibles et des personnalités assez violentes. Sur l’imagination d’une démocratie pure, ce genre de formules générales exerce un effet prodigieux. Il sera toujours aisé de faire accepter à une foule des assertions générales présentées en termes saisissants, quoiqu’elles n’aient jamais été vérifiées et ne soient peut-être susceptibles d’aucune vérification. »


L’importance des « termes saisissants », indiquée dans la citation qui précède, ne saurait être exagérée. Nous avons plusieurs fois déjà insisté sur la puissance spéciale des mots et des formules. Il faut les choisir de façon à ce qu’ils évoquent des images très vives. La phrase suivante, empruntée au discours d’un des meneurs de nos assemblées, en constitue un excellent spécimen  :

« Le jour où le même navire emportera vers les terres fiévreuses de la relégation le politicien véreux et l’anarchiste meurtrier, ils pourront lier conversation et ils s’apparaîtront l’un à l’autre comme les deux aspects complémentaires d’un même ordre social. »

L’image ainsi évoquée est bien visible, et tous les