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réussi à se mettre d’accord ? C’est que leur science n’est qu’une forme très atténuée de l’universelle ignorance. Devant des problèmes sociaux, où entrent de si multiples inconnues, toutes les ignorances s’égalisent.

Si donc des gens bourrés de science formaient à eux seuls le corps électoral, leurs votes ne seraient pas meilleurs que ceux d’aujourd’hui. Ils se guideraient surtout d’après leurs sentiments et l’esprit de leur parti. Nous n’aurions aucune des difficultés actuelles en moins, et en plus nous aurions sûrement la lourde tyrannie des castes.

Restreint ou général, sévissant dans un pays républicain ou dans un pays monarchique, pratiqué en France, en Belgique, en Grèce, en Portugal ou en Espagne, le suffrage des foules est partout identique, et ce qu’il traduit souvent, ce sont les aspirations et les besoins inconscients de la race. La moyenne des élus représente pour chaque pays l’âme moyenne de la race. D’une génération à l’autre on la retrouve à peu près identique.

Et c’est ainsi qu’une fois encore nous retombons sur cette notion fondamentale de race, déjà rencontrée si souvent, et sur cette autre notion, qui découle de la première que les institutions et les gouvernements ne jouent qu’un rôle insignifiant dans la vie des peuples. Ces derniers sont surtout conduits par l’âme de leur race, c’est-à-dire par les résidus ancestraux dont cette âme est la somme. La race et l’engrenage des nécessités de chaque jour, tels sont les maîtres mystérieux qui régissent nos destinées.