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Recherchons comment on les séduit. Des procédés qui réussissent le mieux, leur psychologie se déduira clairement.

La première des conditions à posséder pour le candidat est le prestige. Le prestige personnel ne peut être remplacé que par celui de la fortune. Le talent, le génie même ne sont pas des éléments de succès.

Cette nécessité pour le candidat de posséder du prestige, c’est-à-dire de pouvoir s’imposer sans discussion, est capitale. Si les électeurs, dont la majorité est composée d’ouvriers et de paysans, choisissent si rarement un des leurs pour les représenter, c’est que les personnalités sorties de leurs rangs n’ont pour eux aucun prestige. Quand, par hasard, ils nomment un de leurs égaux, c’est le plus souvent pour des raisons accessoires, par exemple pour contrecarrer un homme éminent, un patron puissant dans la dépendance duquel se trouve chaque jour l’électeur, et dont il a ainsi l’illusion de devenir pour un instant le maître.

Mais la possession du prestige ne suffit pas pour assurer au candidat le succès. L’électeur tient à ce qu’on flatte ses convoitises et ses vanités ; il faut l’accabler des plus extravagantes flagorneries, ne pas hésiter à lui faire les plus fantastiques promesses. S’il est ouvrier, on ne saurait trop injurier et flétrir ses patrons. Quant au candidat adverse, on doit tâcher de l’écraser en établissant par affirmation, répétition et contagion qu’il est le dernier des gredins, et que personne n’ignore qu’il a commis plusieurs crimes. Inutile, bien entendu, de chercher aucun semblant de preuve. Si l’adversaire connaît mal la psychologie des foules, il essaiera de se justifier par des arguments, au lieu de se borner à répondre aux