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§ 6. — L’OPINION DE L’UNIVERSITÉ SUR LA VALEUR GÉNÉRALE DE SON ENSEIGNEMENT.

Les citations précédentes montrent que les professeurs éclairés sont parfaitement édifiés sur la valeur de leur enseignement. Si, comme je l’ai fait observer dans mon introduction, ils ne perçoivent pas clairement pourquoi cet enseignement est si défectueux, ils en voient au moins les résultats. Les opinions émises devant la Commission d’enquête ont été formulées avec un pessimisme complet. Il nous suffira de citer.

La masse sort du collège, ayant vu défiler devant elle une série d esquisses rapides, ayant plus ou moins absorbé sans profit un amas de matières indigestes. En général, ils ne savent ni écrire ni même lire le latin ; ils n’ont aucune notion des beautés des littératures antiques dont ils ont péniblement essayé d’expliquer quelques fragments, sans avoir jamais lu en entier un des chefs-d’œuvre de ces littératures ; la plupart ne peuvent pas écrire une page sans faute d’orthographe et en un français correct[1].

Examinez les copies du baccalauréat ; assistez à quelques examens oraux, vous verrez à quel pénible avortement ont abouti, pour la plupart des candidats, les efforts de maîtres très consciencieux et très distingués, répétés pendant six ou huit années consécutives[2].

J’estime que les trois quarts des bacheliers ne savent pas l’orthographe. Le mal n’est pas grand peut-être ; mais si l’enseignement classique ne sert même pas à cela, à quoi peut-il servir ? Je suis sûr que la moitié des licenciés en droit et ès lettres ne sont pas capables de faire une règle de trois ou d’extraire une racine carrée, et en géographie, si vous posez une question quelconque à tous les licenciés du monde, ils n’en sauront pas un mot.

… Comme examinateur à l’École navale, nous reconnaissons tout de suite les produits de l’enseignement secondaire.

  1. Enquête, t II, p. 392. Lavollée, docteur ès lettres.
  2. Enquête, t. I, p. 449. Maneuvrier, ancien élève de l’Écoie Normale Supérieure.