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éducatrices ne sont discutées que dans des cercles restreints : le public ne comprend pas le langage de nos pédagogues, il reste étranger et indifférent à ces discussions qui sont l’affaire de professionnels, de fonctionnaires.

En Amérique, au contraire, chaque école a ses pulsations propres : toutes les grandes questions qui touchent à son patrimoine scientifique et classique sont en discussion permanente dans les livres, dans les revues, les journaux, et surtout dans les assemblées et congrès auxquels s’associe et s’intéresse le peuple. Les innovations qui surgissent sont notées, essayées, exécutées ; le public — qui est cordialement accueilli dans les classes, les laboratoires, — se préoccupe de leur réalisation et s’en déclare satisfait. Sous sa poussée, la vie sociale et économique s’est prolongée jusque dans le domaine scolaire et elle donne aux études de la fraîcheur et une allure rationnelle et vraie. Dans tout l’enseignement, l’idée et sa réalisation par l’action sont associées indissolublement ; par l’éducation agissante, la volonté des enfants et des adolescents prend possession d’elle-même.

L’Américain a aussi la conviction que l’avenir de son pays est entre les mains de la femme qui transmet intégralement l’éducation reçue aux générations qui suivent. Alors que les pays européens ne lui font qu’une part infime dans la vie intellectuelle, par une éducation factice dans les pensionnats ou par une instruction restreinte dans les écoles moyennes, rares et relativement peu fréquentées, toutes les institutions d’enseignement secondaire américaines sont bondées de jeunes filles pauvres et riches, qui viennent s’y former, intellectuellement par les études littéraires et scientifiques, et professionnellement en vue de leur rôle familial et social, par des travaux de cuisine, d’économie et d’arts domestiques. Les cuisines et ateliers de confection, annexés à ces écoles, sont de vrais laboratoires, où la future épouse acquiert, par une pratique méthodique, les aptitudes et le savoir nécessaires, pour s’assurer une existence indépendante et pour soutenir et accentuer la vigueur physique et morale de la nation.

Ainsi que dans les vieilles races, nos sentiments nous portent tout naturellement vers un altruisme qui s’exalte dans des œuvres de grande philanthropie telles que la mutualité et l’assistance sociale par la bienfaisance. Ces œuvres sont palliatives et lénifiantes, mais elles inclinent naturellement à ménager l’effort des masses en vue de leur propre relèvement.

Les Américains, que l’on dit volontiers individualistes à outrance, pratiquent une solidarité moins sentimentale à coup sûr, mais agissante et préventive. Avec une générosité qui ne