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c’est pourquoi bien rares aussi sont les intelligences qu’ils réussissent à former.

Dans un discours prononcé devant la Chambre des Députés, M. Ribot, président de la Commission d’enquête, a parfaitement montré en quelques lignes cette importance de l’histoire des découvertes. Tout le monde semble donc bien d’accord en théorie — en théorie seulement — sur ce point.

Si l’on apprend aux élèves, non pas seulement les notions positives, les chiffres, tout ce qui est technique, tout ce qui s’oublie, si on leur enseigne la voie qu’on a suivie pour créer la science de nos jours, si on leur montre par quel effort et par quelle méthode l’esprit humain s’est élevé jusqu’à ces vérités éternelles, si on leur fait l’histoire des découvertes d’un Pasteur, on peut saisir l’intelligence et quelque chose encore de plus noble que l’intelligence, le cœur de l’enfant.

Je crois qu’on peut inspirer à l’enfant, pour notre société, pour les prodiges qu’elle crée en développant la science, cet amour et cette admiration, qui font de lui un véritable citoyen de la société moderne.

Je le crois de toutes mes forces, c’est une question de méthode et, je le répète, d’éducation des professeurs eux-mêmes[1].

Écoutant ou lisant l’histoire des découvertes scientifiques, répétant les expériences des créateurs de la science, ainsi que celles qui en découlent, et pouvant ainsi juger des progrès accomplis, l’élève acquerrait vite, avec le jugement et l’habitude de l’observation, ce qu’on peut appeler l’esprit scientifique.

Il oublierait sans doute, après la sortie du lycée, les formules et les théories, mais il aurait le jugement formé, saurait réfléchir et posséderait l’art d’apprendre quand cela lui deviendrait nécessaire. Il n’oublierait jamais, parce que cela serait passé dans son inconscient, ce qu’il y a de plus fondamental à

  1. Chambre des députés, séance du 13 février 1902. Page 657 du Journal officiel.