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Persuader aux jeunes gens que l’esprit humain pouvait se passer du fait qui sert de base à chaque découverte importante, qu’il pouvait créer la science par le raisonnement seul, c’est préparer au pays une jeunesse orgueilleuse et stérile.

On ne saurait trop recommander aux professeurs de physique de commencer l’exposition de toutes les grandes théories par un précis historique très fidèle, et, au besoin, par l’exacte reproduction de l’expérience d’où l’inventeur est parti. Il n’oublieront pas que la physique est une science expérimentate qui tire parti des mathématiques pour coordonner et pour exposer ses découvertes, et non point une science mathématique qui se soumettrait au contrôle de l’expérience.

Les professeurs de physique ne sauraient trop se défier d’ailleurs d’une particularité de leur enseignement qui se rattache plus qu’il ne semble à la considération précédente. On veut parler de ces appareils de luxe que l’usage a introduits dans leurs cabinets.

Le plus souvent, la pensée première de l’inventeur, dénaturée dans ces appareils pour revêtir une forme qui en fait disparaître toute la naïveté, s’éloigne trop des dispositions premières qu’il avait adoptées.

Presque toujours, ces appareils offrent des dispositions accessoires compliquées, sur lesquelles l’attention des élèves s’égare et qui les distraient de l’objet essentiel de la démonstration.

Leur prix élevé éloigne de l’esprit des élèves toute pensée de s’occuper un jour de physique, cette science leur semble réservée aux personnes qui disposent d’un grand cabinet ou d’une grande fortune.

Nous ne saurions donc trop rappeler aux élèves de l’École Normale l’utilité des travaux d’atelier qu’ils ont à accomplir ; aux proviseurs, le parti qu’ils peuvent tirer, au profit de l’enseignement, d’un cabinet placé près du cabinet de physique comme sa dépendance nécessaire ; nous ne saurions trop encourager les professeurs de physique à simplifier leurs appareils ; à les construire eux-mêmes toutes les fois qu’ils le peuvent ; à n’y employer que des matériaux communs ; à se rapprocher dans leur construction des appareils primitifs des inventeurs ; à éviter ces machines à double et à triple fin dont la description devient presque toujours inintelligible pour les élèves.

Quoi de plus simple que les moyens à l’aide desquels Volta, Dalton, Gay-Lussac, Biot, Arago, Malus, Fresnel, ont fondé la physique moderne ?

Il y a quarante ou cinquante ans, lorsque cette génération de physiciens illustres reconstituait sur de nouvelles bases tout l’édifice de la science, elle y parvenait avec des outils si com-