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des enfants en état de se servir convenablement de trois langues ; or, jamais, dans nos lycées, les enfants ne seraient capables d’arriver à ce résultat, par la raison très simple qu’on leur apprend les langues vivantes comme le grec et le latin et nullement d’une façon active[1].

C’est avec raison, il faut bien l’avouer, quel les Allemands se montrent pleins de mépris pour notre système d’enseignement des langues aussi bien d’ailleurs que pour tout notre système universitaire.

Voici une conversation relevée dans le Temps du 6 janvier 1899, entre un Allemand et le rédacteur de ce journal :

« Tandis que nous autres, Allemands, nous nous sommes fait un devoir de réduire, pour la grande majorité de la nation, le temps d’études et de modifier en conséquence les programmes de nos établissements d’instruction, vous autres, Français, vous vous appliquez au contraire à les surcharger de plus en plus, à retenir sur les bancs de l’école vos enfants, jusqu’à l’heure où le service militaire vous les prend, à leur donner à tous, dans la classe bourgeoise, une éducation surannée, capable évidemment de faire d’eux, dans toute l’acception du mot, des lettrés, incapable de leur fournir aucune arme dans cette lutte de plus en plus sérieuse pour la vie, à laquelle toutes les nations à présent se trouvent acculées. À l’heure où nos enfants savent un minimum de trois langues et se jettent dans l’inconnu, comme j’ai fait, courant le monde, les vôtres se préparent encore à ce ridicule examen du baccalauréat. Ils y dépensent le meilleur de leurs forces, et quand ils sont bacheliers, que savent-ils ? Un atome de grec, quelques mots de latin qui leur seront parfaitement inutiles ».

Il n’y a pas à espérer une modification de nos pitoyables méthodes d’enseignement, et nous continuerons longtemps, par notre ignorance des langues étrangères, à être la risée des autres peuples. Tout a été inutilement essayé, et ce n’est pas avec des règlements qu’on changera la mauvaise volonté et l’incapacité des professeurs. Il faut donc y renoncer entiè-

  1. Enquête, t. II, p. 644. Payot, inspecteur d’Académie.